On s'imagine souvent que dans le passé, le viticulteur travaillait "BIO" et je cite:
"...
On peut toujours douter de l'avenir de l'agriculture biologique en
viticulture, c'est oublier que ces façons culturales nous viennent de
la nuit des temps et par conséquent ont largement fait leur preuve."
Ma curiosité excitée par cette affirmation m'a fait rechercher dans un manuel de Viticulture édité en 1882, au début de cette terrible période de prolifération du Phylloxéra. Les méthodes en vogues à l'époque me paraissent bien éloignées de l'idée que je me fais de la culture BIO.
1°/- L'auteur préconise 20.000 à 30.000 Kgs de fumier de ferme à l'hectare tous les 4 ans ou 15.000Kgs de crottins de mouton tous les trois ans.
2°/- Les matières fécales: peu estimées du fait d'une action trop énergique...
3°/- Les chiffons de laine et les vieux cuirs: 1200Kgs à 1500Kgs/hectare tous les quatre ou cinq ans.
Quand on sait comment sont traitées les peaux en tannerie on imagine la quantité de pesticides apportés dans les vignes. J'en retrouve encore, des vieux cuirs, quand je défonce les vieilles vignes.
Les engrais chimiques:
Les formules employées à l'époque me semblent monstrueuses par la quantité:
-600 kg de Super phosphate de chaux,
-200 kg de Nitrate de Potasse,
-100 kg de Nitrate de Soude,
-300kg de Sulfate de Chaux.
En 1882 déjà, nous étions bien loin des méthodes BIO. qui sont préconisées aujourd'hui comme un retour à la tradition, aux méthodes ancestrales. Les viticulteurs s'efforçaient d'accroitre les rendements par des apports artificiels et il m'arrive de penser que les vins d'alors n'étaient pas exempts de "pesticides et autres produits toxiques.
Vous avez raison. On ne lit pas assez les commentaires. Il faudrait vous trouver un modèle de blog qui les ajoute à la suite des articles. Ca doit exister.
Je vous remercie pour ces renseignements forts utiles pour la compréhension de toute cette alchimie. L'histoire semble être plus ancienne que je ne le pensais. Je me permettrai de vous citer sur mon blog dans un prochain article sur ce sujet.
Cordialement
Rédigé par : ShowViniste | 25 septembre 2008 à 14:48
En 1882, l'ère de la viticulture ancestrale avait sonné depuis plus d'une génération.
Les engrais chimiques sont arrivés massivement en 1858, à grand renfort de justification scientifique. Le fumier épandu par l'agriculteur à faible dose a été discrédité pour pouvoir mieux vendre ces sels fabriqués chimiquement.
Comme vous le soulevez, les doses employées et conseillées étaient astronomiques, ce qui a conduit a des déséquilibres cationiques des sols effarants.
La conséquence est qu'on a favorisé la levée d'adventices qui n'envahissaient pas les cultures auparavant, comme le liseron par exemple.
De surcroît, la composition de la sève des plantes (dont les racines baignaient dans ces sels) a changé, et les cryptogammes ont trouvé un nouveau terrain où ils pouvaient se développer impunément... Les premiers cas de mildiou et d'oïdium recensés coïncident avec l'explosion de l'utilisation de ces substances non naturelles.
Est-ce vraiment un coincidence ou a-t-on brisé durablement un équilibre que le nature a construit pendant plusieurs milliards d'années ?
Ensuite, il a fallu inventer des solutions pour maitriser ces adventices: les désherbants chimiques... puis les fongicides chimiques, et la machine était en route: en détruisant certaines espèces par ces nouvelles substances chimiques, le sol ne fonctionnait plus correctement, induisant de nouvelles pathologies/dégénérescences...
Sur mon domaine viticole, j'ai suspendu tout apport de fertilisant pendant de nombreuses années et favorisé l'enherbement spontanné des parcelles pour que les espèces présentes aillent puiser les résidus des fertilisants chimiques utilisés à cette époque, les utilisent à nouveau et les "transforment" en substance organique après que la plante ait été fauchée. C'est un gros travail, de longue haleine, qui laisse penser qu'on épuise volontairement la vigne... donc les rendements chutent. Pour moi, ce nettoyage de fond est nécessaire et depuis cette année, je recommence à faire des apports de fertilisant car le vignoble est reparti sur de meilleures bases.
En parallèle, nous avons entamé un programme de régénération des sols et des plantes en leurs permettant d'aller puiser leurs énergies créatrices.
Ca aura pris 10 ans, c'est long à l'échelle d'une vie, mais à l'échelle de la nature, c'est une durée epsilonesque. Si on ne fait pas cet effort de corriger les erreurs du passé, ça ne se fera pas tout seul !
Franck
Rédigé par : Franck PASCAL | 04 septembre 2008 à 20:52
Je ne pense pas non plus, que les viticulteurs d'il y a un siècle, surtout après l'expérience dévastatrice des maladie cryptogamiques, comme l'oïdium et le mildiou et le désastre du phylloxéra, qui sont toutes apparues au 19ième siècle, étaient majoritairement "bio".
C'est la période où, surtout en Languedoc, on plantait de la vigne dans les pleines à blé fertiles, avec des cépages comme l'aramon, pour faire la grosse quantité, des vins de masse à bas dégrée. On délaissait les cépages trop capricieux de l'avant phylloxéra, aussi bien en Languedoc qu'à Bordeaux (exit Carmenère, petit Verdot, et vieilles variétés pas assez fertiles, sensibles à la coulure ou au gèle, ou réputés à production en "dent de scie", comme le Mourvèdre...).
Pas étonnant, qu'on quichait sur les engrais et importait les vins "forts" à bas prix des colonies d'Afrique du Nord, pour couper la bibine locale peux forte en dégrée, à cause du sur rendement.
Les "folies bitteroises", ces châteaux entre Montpellier et Narbonne, que les gros propriétaires terriens pouvaient faire construire avec le bénéfice de deux récoltes consécutives témoignent encore de cette période.
La misère de la surproduction et du désespoir chez les petits viticulteurs, qui étaient les premiers victimes de la crise inévitable, qui s'en suivait et qui reste en mémoire comme la fameuse révolte de 1907 dans le Midi, n'était que la conséquence de cette manière peux traditionnelle et biologique de cultiver les vignes.
Morale: les hommes sont depuis toujours les mêmes - le gain l'emporte pour la majorité devant d'autres considérations plus raisonnables et durables, bref qualitatives
Je ne pense pas, que quelqu'un qui s'est ne serait ce qu'un peu intéressé à l'histoire de la vigne et du vin arriverait encore à croire, que c'était bien différent "à l'époque" et que tout le monde cultivait "beau et bio".
Seule différence: le progrès technique dans tous les domaines de la production industrielle à découplé depuis un siècle et est pleinement rentré dans l'agriculture, donc les moyen de nuire à la nature, aux terres et à l'équilibre écologique sont beaucoup plus efficaces et entre tous les mains.
La conséquence: crise sur crise et dégradation accélérée de notre patrimoine à tous.
fin de prêché:-)
Rédigé par : Iris | 04 septembre 2008 à 17:39